Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/401

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PORTRAIT.

Ce n’est donc pas assez, Maria, qu’un miroir
Vous jette, à chaque instant, le bonheur de vous voir :
Vous voulez qu’un poème, empreint de votre image,
Plus fidèle que lui, la retienne au passage :
Vous voulez qu’un poète, au lieu de vous bénir,
Fasse voir, par des sons, ce type à l’avenir ?
Impossible ! Les mots voilent tout d’un nuage ;
La nature, rebelle aux ruses du langage,
Échappe à notre plume et rit de nos compas :
L’esprit ne peint d’attraits, que ceux qu’on ne voit pas.
Je vous le dis encor : infidèles copistes,
Nos chants remplacent mal le pinceau des artistes.
Quelqu’habile qu’il soit, leur voile harmonieux,
En s’adressant à l’âme, inquiète les yeux :
La forme qu’il accuse y vacille incertaine,
Comme vous, Maria, que l’on devine à peine,
Quand penchant sur la harpe un front de iNiobé,
Derrière ses accords il brille dérobé,