Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/402

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Ne voit-on pas souvent, sans troubler les ruisseaux,
Une feuille glisser sur la nacre des eaux :
Et l’été, sccourable à nos champs qu’il embrase,
Tendre autour du soleil ses frais remparts de gaze ?
Tu le sais mieux que moi, qui les ai combattus,
C’est grâce à nos défauts qu’on chérit nos vertus.
Ne te corrige pas, reste avec mes reproches :
Je ne vois rien de toi, que toi, quand tu t’approches
Je t’ai dit tout le mal, que je puis en penser,
Quand ta présence est là, qui vient tout compenser.
Demeure auprès de moi : tu n’as plus rien à craindre.
Je recommencerai, si tu veux, à te peindre :
Ordonne, et que ta voix, comme d’adroits rayons,
Suspende ton image au vol de mes crayons !

Non, non : je ne veux pas t’obéir davantage :
Je ne veux plus tenter cet infaisable ouvrage.
Quand je consacrerais un siècle à l’esquisser,
J’en passerais sans doute un autre à l’effacer.
J’y voudrais ajouter quelque charme indicible :
Et qui peut se flalter d’achever l’impossible ?
Si j’étais loin de toi, seul avec mes regrets,
Peut-être parviendrais-je à mieux fixer tes traits :
On dit que l’infortune est un peintre fidèle,
Et qu’à travers des pleurs on voit mieux son modèle.
Ne me condamne pas à ce fatal succès :
Je n’aurais pas le temps de polir mes essais.