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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/425

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Le destin m’a doté d’une horrible science :
Et, sûr de l’avenir, j’en ai l’expérience.

Vous pensez qu’une femme a jeté, sur mes jours,
Un charme plus puissant même que vos discours,
Et qu’au sein du présent, qui paraît me sourire,
Je traîne des regrets, qui me le font maudire !
Non : c’est dans l’avenir, que le ciel nuageux
Balance, de mon sort, l’horoscope orageux.
Tout en arrière est pur : en avant tout est sombre.
Tousles chemins, pour moi, sont gardés par une ombre,
Qui m’arrête, ou m’enlace, en un piège glacé.
L’amour ! ce n’est pas lui qui, du fond du passé,
Envoie un spectre avide obscurcir ma jeunesse :
Non, mais j’en porte au cœur l’homicide promesse.
Je sens qu’il flétrira mes jours jusqu’au dernier :
Le mal, avant de naître, existe tout entier.
Plus ce tourment est vague, et plus il est durable ;
Sur sa base invisible il est inexpugnable.
Espoir interverti, c’est peut-être, ici-bas,
La seule illusion, que l’on ne perde pas.
Eh ! comment l’arracher du cœur, qu’elle assassine ?
Quand on aurait la hache, où trouver la racine ?

Vous savez, Maria, pourquoi je veux vous fuir :
Je veux, vous épargner le tort de me trahir.