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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/431

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Et pauvre, j’ai pâti dans mon obscurité,
Comme un triomphateur dans l’immortalité.

Peut-être étais-je né sous l’astre du martyre :
Car, il n’est pas peut-être une corde à ma lyre,
Que n’ait, à la briser, fait vibrer la douleur.
Je n’ai jamais, poussé par la main du malheur,
Marché sur cette terre, en broussailles féconde,
Sans laisser de ma vie aux épines du monde.
Chaque jour, même encor, facile à se ternir,
Semble de son nuage embrumer l’avenir.
Si plein pour le dégoût, pour le bonheur si vide,
Qui me délivrera de ce monde insipide,
Où tout s’efface, où rien ne saurait émouvoir
L’écho pétrifié, qu’interroge l’espoir ?
Que ne puis-je, affranchi du cirque où je me traîne,
Gladiateur vaincu sur le seuil de l’arène,
Loin de nos froids climats, engourdis par le nord,
Fuir, au fond des forêts, les menaces du sort :
Dans la jeune Amérique exiler ma cabane,
Dormir dans l’herbe chaude, où dort la Louisiane,
Fouler ce gras pays, que les fleurs ont nommé,
Et dont le nom lointain nous semble parfumé,
La Floride !… Oh ! c’est là qu’oublié de la terre,
Je voudrais, comme un fleuve, un torrent.solitaire,
Qui, des astres bercés, roule avec lui le chœur,
Bondir de plaine en plaine, un firmament au cœur :