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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/444

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Dore de ta pitié le désert de ma vie.
Toi, si jalouse hier du talent qu’il m’envie,
Veux-tu que, par l’amour lentement dévoré,
Vers un sombre avenir je chemine ignoré :
Et jeune encor, dans l’âge, où la pensée ardente
Déploie, à tous les vents, une aile indépendante,
Que je ferme, oublié, dans un honteux sommeil,
Ce vol, dont la patrie était près du soleil !
On a beau lacérer ses titres de naissance,
Et, fier d’être petit, dénigrer sa croissance,
Quiconque fut créé pour de nobles transports,
Sent au cœur des regrets, qui touchent aux remords.
Apostat de soi-même, on se ment sans se croire :
Sans pouvoir l’enlaidir, on outrage la gloire.
Alors on se promet de ne plus s’abjurer,
De braver la fortune, au lieu d’en murmurer,
Et d’un vaisseau, qui dort &ous sa maligne étoile,
Vers l’astre des grands noms, on fait tourner la voile :
Trop tard ! Le gouvernail, dans le sableengravé,
Trompe, en lui résistant, le pilote énervé.
Navigateur perclus par sa longue paresse,
Il lutte sans vigueur contre une mer épaisse,
EI nulle brise, hélas ! n’arrive, jusqu’à lui,
Démarrer son navire, échoué sur l’ennui.
Surpris par la torpeur d’une eau lourde et tranquille,
Dois-je aussi commencer ce naufrage immobile :