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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/456

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Mais quand, fuyant ce monde, à ses yeux dévasté,
Il croit toucher les borils de l’immortalité,
N’allez pas lui donner de nos larmes communes !
Que faire de cet homme, et de ses infortunes,
Si, rallumant au jour l’astre qu’il croit détruit,
Dieu dépeuple la mort, de l’astre qu’il poursuit :
S’il voit que sur la terre, où la douleur le dompte,
L’Éden, qu’il va chercher, redescend, quand il monte :
Si croyant, par la mort, son divorce abrogé,
Son divorce renaît par la vie allongé.

C’est alors que, cédant à ce nouveau supplice,
Il faut qu’en pleurs de sang le cœur entier jaillisse :
C’est là que, déployant ses efforts ramassés,
L’art doit trouver des cris, qu’on n’ait jamais poussés :
Ou plutôt c’est ici que, sans miséricordes,
De la lyre stérile il faut couper les cordes.
Le malheur, en un seul, peut pétrir tous les arts :
Vous n’atteindrez pas plus, avec vos longs regards,
Au fond de la douleur, qu’au sommet du martyre !
Shakspire lui-même a refusé d’y lire.
Ne creusons pas non plus ce gouffre de terreur ;
Laissons à Roméo son ivresse d’erreur :
Son âme n’aura pas fini d’ouvrir ses ailes,
Que d’autres s’ouvriront, pour voler avec elles.
Par de savants malheurs n’allez pas tourmenter
L’extase de sa mort : ce serait la gâter.