Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/466

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Redoubler de leur nuit l’épaisseur obstinée :
N’importe ! ouvrons la route à la lyre étonnée,
Et, d’un amour plaintif répudiant l’ennui,
Déchiffrons l’univers, moins compliqué que lui.
Moi, vouloir ébranler cette énigme immobile !
Quelle audace de dieu dans une âme d’argile !
En vain le mot visible est partout incrusté,
Qui peut en épeler la douteuse clarté ?
Le voile s’élargit, sitôt qu’on le soulève.
Assisté du compas, du sophisme ou du glaive,
Prêtre, législateur, philosophe ou guerrier,
Chacun, de siècle en siècle, a voulu l’essayer ;
Mais lequel a percé ses implacables ombres ?
Calculer leurs erreurs, c’est défier les nombres.
Le génie agrandi veut aussi, de nos jours,
De l’insoluble abime explorer les détours ;
Mais quel navire humain, vainqueur de cette épreuve,
De la création peut remonter le fleuve ?
Son courant va plus vite encor que notre orgueil.
Nos pas, sur cette mer, qui n’est qu’un vaste écueil,
Au lieu de l’avancer, font reculer la rive :
Tout le monde est en marche, et personne n’arrive.
Arriverai-je, moi, poète au cœur d’enfant,
Dont l’esprit détrempé traîne un vide étouffant ?