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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/477

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Je voudrais sous mes jeux te retenir sans cesse,
Et mes yeux impuissants, éblouis de tendresse,
Ne peuvent pas suffire au bonheur de te voir.
Le ciel a trop du jour limité le pouvoir.
Que ne peut-on sentir ses clartés prisonnières,
Franchir le cercle étroit de nos lourdes paupières :
Et des nerfs attentifs les rameaux plus subtils,
En gerbe clairvoyante épanouir leurs fils !
Que ne puis-je sentir, sous l’éclair du salpêtre,
Un rayon visuel errer sur tout mon être,
Et ton image en foule, autour de moi, courir !
Enveloppé de toi que ne puis-je mourir,
Ayant, pour absorber l’éclat qui me dévore,
Une âme à chaque sens, des yeux à chaque pore !
O misère de l’homme, emmêlé dans sa chair,
Qui ne peut respirer tout ce qu’il lui faut d’air :
Et qui, voyant toujours plus loin que sa portée,
Épuise en vains efforts sa force garrottée !
Pitoyable néant du cœur et de l’esprit !
Sous nos lèvres toujours l’expression tarit.
Dieu nous a-t-il remis la lyre de Lucrèce !
On la laisse tomber aux pieds d’une maîtresse.
Pour chanter cette femme, on déserte les cieux !
On les retrouve en elle : et nos sens curieux,
Qu’un double enthousiasme, un double orgueil stimule,
Heurtent, sans avancer, contre un but qui recule.