Quelle heure peut sonner dans mes ténèbres vides,
Qui n’éveille un baiser sur mes lèvres avides,
Une larme, un bonheur, un regret éperdu !
Quelle heure peut sonner qui ne dise : Perdu !
Oh ! oui, je dois partir, et changer de pairie ;
Je suis las d’habiter une terre appauvrie,
Où le jour pluvieux, noyant pour moi les fleurs,
Semble de l’arc-en-ciel effrayer les couleurs.
Je brûlerais ton air d’une haleine fiévreuse :
Je suis né pour t’aimer, non pour te rendre heureuse.
Tu dis vrai : je dois fuir un toit que je maudis :
Mais tendre encor ma voile à des vents étourdis,
Rattacher à mes pieds mes errantes sandales,
Ou, suspendant ma vie au galop des cavales,
M’aller dessécher l’âme aux sables de Memnon !
Y colporter ma chaîne ou ma lisière ! Non :
J’en suis las. J’ai besoin d’un voyage tranquille.
Ce qu’il me faut, à moi, c’est un monde immobile :
Et ce monde, on y peut arriver sans effort :
On n’a qu’à se pencher… et je suis sur le bord.
Toi qui ne sais pas même aujourd’hui si j’existe,
Et qui fais ta gaîtc de tout ce qui m’attriste,
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