Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/514

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Oh ! quand je ins frapper aux portes du printemps,
La nature, le monde, avaient aussi vingt ans.
Tout était jeune et frais, plein de grâce et d’ivresse,
Palpitant de gaité, chatoyant d’allégresse :
Les prés étaient plus verts, et les arbres plus beaux,
Et les airs, ce me semble, avaient bien plus d’oiseaux.
Tout, quand on est si jeune, étincelle de charme :
Chaque idée, en passant, nous emporte une larme :
On essaie, on choisit dix sentiers à la fois,
Et le plaisir dans tous éparpille sa voix :
On croit sur son génie assurer sa mémoire,
On assigne une forme aux rêves de la gloire :
Il pousse des épis sous la main du glaneur :
Même en pleurant, l’espoir a les traits du bonheur.
Plus tard ! sans la choisir, on a reçu sa route :
Le peu que vaut la gloire et le prix qu’elle coûte,
On le sait : le dégoût a mis sur nous la main :
La moitié de nos nœuds s’est rompue en chemin,
Ceux qu’on voudrait former deviennent impossibles :
Et, le cœur sillonné de rides invisibles,
Vieux sans être un vieillard, l’esprit chauve et muet,
On s’avance, isolé, vers ce terme inquiet-,
Qui nous promet de loin un repos dont on doute ;
Quand on souffre, la mort ne vient quegoutte à goutte.
Voilà pourquoi mon âme est si triste : et pourquoi
Tout mon peuple de fleurs a reuié son roi.