Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/515

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J’attends pourtant toujours que le printemps renaisse,
Ramenant d’Orient, à ma pâle jeunesse,
Cet ange fortuné, qu’on appelle Azraël,
Dont la parure est sombre, et le baiser mortel.
Je voudrais que mon âme, un moment enchantée,
S’envolât vers le ciel, de parfums escortée.
Quelquefois, quand l’hiver, exilé du coteau,
N’y laisse plus traîner l’ombre de son manteau :
Quand l’œil vert du bourgeon s’entr’ouvre au bout desbranches,
Et qu’on voit soùs les bois fourmiller les pervenches,
Je crois sentir aussi des accès de réveil.
J’imagine, un instant, qu’un rayon de soleil
Va réchauffer la lyre, en mes mains engourdie.
Mais l’âme y rentre-t-elle avec la mélodie !
C’est pour cueillir partout des images de deuil.
Au ruisseau, qui folâtre autour de son écueil,
Je dis : Emporte-moi, comme un flocon d’écume,
Qui meurt tout embrasé du midi qui l’allume ;
A l’abeille : Ton dard a piqué mes iris,
Et le vent de ton aile a fané les ophrys.
Si j’aime la forêt sous ses feuilles nouvelles,
C’est que j’espère, hélas ! tomber bientôt comme elles.
Si j’aime à voir la serpe aux blés mûrs des vallons,
C’est que je voudrais être un épi des sillons :
Et, quand le rossignol, lorsque la nuit est grise,
Mêle ses chants plaintifs aux soupirs de la brise,
J’aime, assis sur la mousse, à répéter tout bas :
Quand je serai dessous, je ne l’entendrai pas.