Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/521

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Écoutez ! Et ma voix, planant sur ce théâtre,
Osa traduire alors la vengeance du pâtre,
Dont le dard rédempteur, sanglant d’humanité,
Aux rochers de Kûssnacht grava la liberté.

S’il est vrai que Schiller, au fracas des orages,
Aimait à préparer l’airain de ses ouvrages,
A voir le fouet du vent, sur un lac courroucé,
Rouler avec les flots son bateau cadencé,
Comme il sentait le souflle et le vol du génie
Remuer, sous son front, des vagues d’harmonie,
Faudra-t-il s’étonner qu’aux rayons des éclairs,
Dont les langues de feu lui dictèrent ses vers,
Un écho moins sonore ait osé les traduire ?
Trop faible cependant, trop sourd pour reproduire
Ce monde d’éloquence, où, pres de leurs bourreaux,
Circulent, sans pâlir, tant d’agrestes héros.
J’allai, d’un œil rapide, à travers ces images,
Devant la plus sublime incliner mes hommages.

L’archer libérateur vient de tuer Gessler.
Sa flèche a mieux jugé que la loi ; mais Schiller
A craint que, de nos jours, on ne prit pour un crime
Cet acte, qu’applaudit tout un peuple unanime.
Or comment enseigner, à ce siècle de nains,
Que le sang d’un tyran ne tache pas les mains,