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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/573

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Je laisse loin de moi ces feuilles consternées,
Où dorment fes secrets de mes tristes années :
Et, d’un livre adoptif empruntant les secours,
De mes yeux indolents j’en parcours les détours.
Si mes pleurs autrefois en ont marqué les pages,
J’y reviens sans pleurer : et ces tristes passages
Me parlent du passé, sans flétrir le présent.
D’un calme savoureux le bandeau complaisant,
Sans voiler la douleur, en distrait l’amertume :
Et de ce baume adroit, qu’un peu d’oubli parfume,
Dorant déjà la coupe, où je puise l’espoir,
Je passe ma journée à m’occuper du soir.

Sans doute, et je le sais, tout cède à l’habitude ;
Tout, excepté nos maux, s’use avec promptitude :
Et quand j’aurai perdu ce magique sommeil,
Qui, sur mon ciel nocturne évoquant le soleil,
De ses larmes de feu semble ouvrer mon suaire,
Je me recoucherai sous un drap mortuaire.
Où des rayons amis ne pénétreront pas
Mais le temps va toujours, changeant tout sur ses pas :
Bienfaiteur glacial, l’âge, avant la sagesse,
Peut, sans qu’on l’aperçoive, emporter la tristesse,