Aller au contenu

Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/611

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

J’ai connu plus de maux, que la mort n’en oublie.
J’ai supporté long-temps ee faste de folie,
Qu’elle étalait toujours, quand je souffrais le plus,
Et de tous ses projets mon nom toujours exclus,
Ou mis là par pitié comme un nom d’habitude :
Je n’ai pas pu traîner plus loin ma servitude ;
Je sentais qu’à la fin, lasse d’un pareil jeu,
La main, qui tient l’encens, peut écraser le dieu.
Je voulais me venger, et j’ai fui ma vengeance.
Ai-je cru qu’affranchis de tant de négligence,
Mes esprits, remontés à leur premier niveau,
Vers un but généreux ffotteraient de nouveau,
Kt perdraient par degré, dans leur cours solitaire,
Dos faux biens qu’ils aimaient la trace délétère ?
Hélas ! si je l’ai cru, je me suis bien trompé :
J’ai retrouvé partout le trait qui m’a frappé.
J’ai voulu, mais en vain, m’absorbant dans l’étude,
Y retrancher mes jours contre l’ingratitude :
Des nuages du cœur mes chants restent couverts :
L’ombre de mes ennuis engourdit tous mes vers.
Il semble que de loin l’impitoyable idole
Jette encor de son cœur le froid dans ma parole,
Et que, ne pouvant plus souffrir sous son regard,
Son nom fasse aujourd’hui l’office du poignard.
Et que j’honore bien sa puissance abattue !
Chaque fois qu’on la nomme, il semble qu’on me tue.
J’ai honte de pleurer, quand je devrais haïr :
Que veux-tu ! Jusque-là, je ne puis la trahir.