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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/627

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Je m’enchante moi-même en ma sécurité,
Et je me crois encor ce que j’aurais été,
Poète seulement pour le plaisir de l’être,
M’esjouissant de tout, sans vouloir rien connaître,
A mon culte des arts permettant peu d’excès,
Et, sans le mépriser, dédaignant le succès.
Que m’importe en effet ce qu’on nomme la gloire !
Ce sont les cœurs souffrants, quirêventleur mémoire :
Moi, content de la terre, à quoi bon, tourmenté,
M’aller faire un séjour de la postérité !
Ma verve de vingt ans, souvent je la recouvre :
Je rajeunis d’un jour à chaque fleur qui s’ouvre :
Je redeviens enfant, et le calme des cieux
Ote un voile à mon âme, en l’ôtant de mes yeux.
Mon esprit est serein et ma lyre est féconde :
Méditant un ouvrage aussi grand que le monde,
Que je ne ferai pas, mais que je fais toujours,
Je récolte partout mes fertiles secours,
Et, sans changer en miel ma moisson clair-semée,
Je dors nonchalamment dans ma ruche embaumée.
Si je veux par hasard retourner au passé,
Le fil, qui me rattache à ce temps effacé,
Est plus vite rompu, que ces ponts de dentelle,
Que brise, entre deux fleurs, la légère cistèle.