Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/72

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Quand on les habillait, leur mère, le matin,
Avait beau répéter : « Restez dans le jardin !
Les loups, de ce temps-ci, sont toujours en colère :
J’en ai rencontré deux, moi, qui suis votre mère ! »
C’est pour nous faire peur, murmuraient-ils tout bas ;
Et sitôt qu’ils croyaient qu’on ne les voyait pas,
Ils couraient dans les bois cueillir des perce-neige, •
Chercher des papillons, des cigales : que sais-je !
Jouer tout seuls, riant, et se moquant de tout,
Et même, à ce qu’on dit, contrefaisant le loup.
Il firent une fois… peut-être quatre lieues,
Pour une demoiselle avec des ailes bleues,
Qu’ils n’attrapèrent pas ; le ciel était fâché.
Tandis qu’ils s’amusaient, le jour s’était couché.
A l’heure du goûter on a de la mémoire,
Ils courent ; mais bientôt l’ombre devient plus noire :
Il tombe de la brume : il gèle : ils sont très-las,
Et, prenant un sentier dont la fin ne vient pas,
Ils se perdent. « J’ai peur ! » dit la petite fille.
« Je ne peux plus marcher du tout, » répond Camille :
(Il n’avait que cinq ans : sa sœur en avait six).
» Alix, veux-tu t’asseoir ? » Et contre un arbre assis.
Ils appellent bien fort, tant que leur voix s’enroue.
Ils pleurent, et le vent, qui souffle sur leur joue,
Leur fait froid de ces pleurs : et tous deux à genoux,
Ils disent au bon Dieu : Prenez pitié de nous,
Envoyez-nous chercher, nous serons bien dociles.
Hélas ! qu’aux malheureux les serments sont faciles !