Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/73

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Mais personne n’arrive, et tous deux, à tétons,
Ils s’en vont, se serrant comme font les moutons,
N’osant pas respirer : (coupable, un rien effraie).
Tout à coup une voix, qui sortait d’une haie…
Oh ! quelle horreur, la nuit, d’être seuls dans les bois !
Ils n’avaient pas fini le signe de la croix,
Le seul qui nous rassure alors qu’on désespère,
Qu’un homme, trois foisgrandcommel’étaitleurpèxe,
Et tout noir, les saisit. — « Votre argent, sur-le-champ ! »
— « Grâce, mon bon voleur ! ne soyez pas méchant : »
Grâce ! nous n’avons rien, sûr, ni moi ni mon frère, »
Nous sommes si petits ! » dit Alix en prière.
— « Vous a\ez des habits ! mes enfants n’en ont pas. »
Il les prit là-dessus tous deux dans ses grands bras,
Et ne leur laissa rien des pieds jusqu’à la tête.
Voyez, quand on va seul, quel malheur on s’apprête !
Demi-morts de frayeur, presque nus, grelottant,
Ils demandent au ciel leur mère en sanglotant,
Leur mère, qui, loin d’eux, gémit et leur pardonne,
Et les cherche, bien mieux que ne cherche personne,
En pleurant. Ce que c’est que de désobéir,
Ma fille ! comme on souffre, et comme on fait souffrir !
Le curé du village avait sonné la cloche :
Et tout près du château, sur le haut d’une roche,
On faisait tant de feu, qu’il était jour le soir ;
Mais ils étaient trop loin pour entendre et pour voir.
On s’informait partout de nos pauvres rebelles :
Hélas ! aucun endroit n’en savait de nouvelles.