Aller au contenu

Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’audacieux vaincu, relevé de Péeueil,
Ramasse de ses flots l’aventureux orgueil :
Puis soudain on le voit, pèlerin romanesque,
Hâter vers l’Allemagne une onde pittoresque.
Adieu de son berceau le luxe pastoral !
Des gothiques manoirs courtisan féodal,
Le voilà, serpentant sous le moutier des vierges,
Qui redit leur légende aux échos de ses berges.
Avec le lay d’amour des anciens ménestrels,
Il roule dans ses plis l’ombre des vieux castels,
Et s’enchante lui-même en ses rêves antiques.
Moins épris, par degrés, d’images fantastiques,
Comme nous, lorsque l’âge atlanguit nos esprits,
Il semble, déserteur des plus riches débris,
Oublier le plaisant pour se plaire à l’utile.
Au joug de l’industrie il livre une eau docile :
Il préfère le pampre à ses fleurs d’autrefois.
Au lieu du luth naïf dont il aimait la voix,
I l écoute le bruit du navire qui passe,
Ou des marchands criards l’avare populace.
Lin peu plus loin encore, ou, si l’on veut, plus tard,
Négligent, comme l’homme à l’état de vieillard,
I| laisse, on ne sait où, fuir ses flots cinéraires :
Et ce n’est pas alors, comme aux fleuves ses frères,
Le puissant océan qui lui sert de tombeau ;
Semblable, jusqu’au bout, à l’humble vermisseau.
Dont il n’est ici-bas qu’un miroir tributaire,
Le vieux Rhin, comme nous, disparaît sous la terre.