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Le lendemain matin je m’en expliquai avec le directeur et lui annonçai mon départ immédiat. Il ne me parut surpris que de mon étonnement, bien qu’il essayât de me faire croire que je devais m’être trompé.

Voyant que je ne m’y laissais pas prendre, il finit par changer de ton.

— C’est bien, me dit-il, je ne puis vous retenir. Mais croyez-moi jeune homme, soyez prudent et n’allez pas. ébruiter ce que vous prétendez avoir vu. N’oubliez pas qu’il y a une loi contre la diffamation…

Je ne compris que trop qu’il avait raison. D’abord, je n’avais pas de preuves, à fournir et, en eussé-je eu, je n’aurais pu légalement les produire.

De plus, on était au commencement de la fameuse guerre entre universitaires et cléricaux, guerre que le vieux Louis-Philippe qualifiait assez justement de querelle de « cuistres et de bedeaux ». On m’eût tout simplement fait passer pour un agent des jésuites.

J’entrai alors dans un externat du faubourg Saint-Honoré, dirigé par un excellent homme, dont je suis resté l’ami jusqu’à sa mort, c’est-à-dire pendant à peu près quarante ans.

Malheureusement les appointements qu’il arrivait à me donner étaient trop faibles pour que je pusse m’en contenter. Aussi quelques mois après, j’acceptais avec empressement d’aller remplacer pendant tout le temps que durerait sa maladie, un de mes anciens condisciples, titulaire d’une école dans une commune de Seine-et-Oise, à une douzaine de lieues de Paris.

Vers la fin de Février 1846, j’arrivais à Sainte-Mesme près de Dourdan.

Là devaient définitivement échouer mes projets d’a= venir comme maître d’école.



En ce temps-là, l’enseignement primaire était régi par la loi de 1833, dite loi Guizot. Malgré le doctrina-