Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/216

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pendant de longs mois, dans tous les coins de la France, son œuvre de proscription. L’effet de cette page fut immense parmi nous ! Par une rencontre singulière, les membres de la commission, choisis par le hasard, semblaient choisis à dessein. La moitié, au moins, appartenait aux plus violents adversaires de l’Empire. C’étaient MM. Mignet, de Tocqueville, Villemain, Vitet, auxquels se joignaient Scribe et moi. Un seul d’entre nous avait écouté M. de Broglie dans un silence morne, les lèvres serrées, la physionomie contractée ; c’était l’académicien chargé de lui répondre, c’était M. Nisard. Il se trouvait dans une position cruelle. Dévoué de cœur à l’Empereur et à l’Empire, son honneur ne lui permettait pas de les laisser attaquer avec une telle violence sans les défendre. Il faut lui rendre cette justice, il fit vaillamment son devoir. Malgré les ardentes animosités qu’il sentait gronder autour de lui et retomber sur lui, il se jeta résolument dans la lutte, et aborda sans hésiter l’apologie du 2 Décembre.

Pas un des auditeurs ne protesta, car une des traditions de l’Académie est qu’on ne doit jamais interrompre l’orateur ; mais les physionomies irritées, les lèvres tremblantes, les