Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/217

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gestes d’indignation mal contenus faisaient pressentir un violent orage. A peine, en effet, la dernière phrase terminée, M. Mignet et M. de Tocqueville se levèrent à la fois, allèrent droit à M. Nisard, très pâle sur sa chaise, et, l’apostrophant en face :

« De quel droit, monsieur, amnistiez-vous, au nom de l’Académie, un acte effroyable et repoussé par toute l’Académie ? »

Un peu déconcerté par cette brusque attaque, M. Nisard, d’une voix émue, mais qui restait ferme, répondit qu’il n’avait fait que se défendre et défendre son opinion.

« Monsieur, répliqua vivement M. Villemain, il ne s’agit pas ici de votre opinion ; vous n’êtes pas M. Nisard, vous êtes le directeur de l’Académie, le représentant de l’Académie, et vous ne pouvez pas oublier que le coup d’État, absous par vous, a proscrit, trois de nos plus illustres confrères, M. Thiers, M. Victor Hugo, M. Rémusat, et que M. Vitet a été appréhendé au corps comme un malfaiteur. »

A chacun de ces noms, la colère montait dans l’auditoire et tournait à l’indignation. En vain M. Vitet, avec sa naturelle dignité d’attitude, essayait-il de ramener le calme ; en vain M. de Broglie marquait-il, par ses gestes, son