Aller au contenu

Page:Legouvé - Dernier travail, derniers souvenirs, 1898.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Notre étude sur lui se bornera à ces trois points ; ils suffiront.

Sous la Restauration, l’amour de la patrie se produisit sous deux formes très différentes. Il était fait à la fois d’orgueil et de honte. Le souvenir de nos récents désastres nous courbait le front, le souvenir de nos anciennes victoires nous haussait le cœur. Il faut avoir vécu dans ce temps-là, il faut avoir assisté à l’entrée des alliés à Paris, avoir vu leurs soldats se promener dans nos rues, leurs cavaliers parqués dans le Bois de Boulogne, pour se rendre compte de ce qu’éveillait dans nos cœurs le nom de Waterloo. Ce nom résumait tous nos désespoirs, toutes nos rages. En voici une preuve saisissante. Quand l’assassin du duc de Berry, Louvel, parut devant la cour d’assises, le président lui demanda quel motif avait pu le pousser à un crime aussi abominable. Louvel baissa la tête et répondit d’une voix sombre : « J’entendais toujours gronder là le canon de Waterloo. » Eh bien, le croirait-on ? L’horreur générale qu’inspirait le crime s’atténua pour le criminel, par cette réponse, tant elle était d’accord avec nos sentiments intimes, tant chacun de nous sentait aussi gronder au fond de son cœur le canon de Waterloo.