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III

Passons au moraliste.

La besogne semble ici plus difficile, car La Fontaine, généralement, n’est pas en grand honneur à ce titre. Lamartine n’a pas assez de termes de mépris, pour stigmatiser cette morale bourgeoise, égoïste et mesquine.

Voyons ce que répond à cela notre fable le Chêne et le Roseau ? Rien, ce semble. Car, par une coïncidence singulière, cette belle fable n’a pas d’affabulation. Heureusement, il s’en dégage une bien frappante, de l’œuvre elle-même.

Le poète a mis en présence le puissant et le chétif, le faible et le fort. Or, qu’est-ce que les vers du poète disent du chêne ? Ne t’enorgueillis pas de ta grandeur, car elle est éphémère. N’en accable pas le faible, car il est peut-être plus fort que toi. C’est une leçon d’humilité et de charité. Qu’est-ce que ces vers disent au roseau ? Ne te laisse pas humilier et contente-toi de ton sort. Tu plies et ne romps pas. Conseil de dignité et précepte de sagesse.

On le voit, dans cette seule fable se montrent les quatre qualités fondamentales de La Fontaine : poète comique, il amuse ; poète lyrique, il enchante ; moraliste pratique, il conseille ;