Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/323

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la stupéfaction du pauvre inventeur, et les éclats de rire de Berlioz, et sa joie vraiment diabolique en lui disant :

« C’est Ritter ! c’est Ritter ! »

Là-dessus, le malheureux suffoqué, les bras tombants, n’a que la force de dire :

« Oh ! monsieur Berlioz ! comment avez-vous pu vous moquer si cruellement d’un pauvre homme qui ne vous demandait que de l’aider à gagner sa vie ! » Et il fond en larmes. Que fait Berlioz ! Il fond en larmes à son tour ; il se jette au cou du pauvre homme ; il l’embrasse ; il lui demande pardon, et, le lendemain, il lui écrit un article admirable. Voilà l’homme ! Plume acérée ! cœur tendre !


VIII

Avec Berlioz, il faut toujours en revenir à l’amour, c’est l’alpha et l’oméga de sa vie ! Le hasard a voulu que je fusse son dernier comme son premier confident. En vain le mouvement de la vie séparait-il souvent nos deux existences : à la première rencontre, la confiance renaissait comme si nous nous étions vus la veille ; je rentrais immédiatement dans mon rôle, et un carrefour, une porte cochère, un angle un peu obscur dans une place, tout lui était bon comme confessionnal.

Voici trois récits de passion qu’il m’a faits à quelques