Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/326

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les concerts organisés par Berlioz, et chanter quoi ? Sa musique à lui ! Des mélodies de lui ! Et il fallut encore qu’il cédât, il fallut que lui, qui était exaspéré par une fausse note, et malade d’un mouvement mal compris, il consentît à entendre chanter faux ses propres œuvres, à diriger lui-même, comme chef d’orchestre, le morceau où il était assassiné comme compositeur !

« Voyons, ajouta-t-il, après m’avoir énuméré ses tortures, n’est-ce pas vraiment diabolique, c’est-à-dire tout à la fois tragique et grotesque ? je dis que je mériterais d’aller en enfer… mais j’y suis ! Et ce terrible gouailleur de Méphisto rit, je le gage, de me crucifier ainsi dans mes nerfs de musicien ! En vérité, je suis quelquefois tenté d’en rire aussi. »

Et, en effet, tandis que des larmes de rage roulaient dans ses yeux, je ne sais quelle expression de moquerie amère contractait son visage.

Le second récit est plus caractéristique encore, et nous fera faire un pas de plus dans la connaissance de cette créature étrange, car l’amour, chez lui, prenait tant de formes, que chaque passion nouvelle nous montrait en lui quelque chose d’inconnu.


IX

La faculté dominante de Berlioz était la faculté de souffrir. Toutes ses sensations allaient jusqu’à la douleur.