Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/33

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éclataient tout à coup avec une telle force qu’ils étaient comme l’image vivante et complète du personnage ou de la situation représentée. Eh bien, au quatrième acte de l’École des Vieillards, elle trouva un de ces accents profonds, et à ce vers,


Je vous dis que vous m’épouvantez !…


les bravos enthousiastes partirent de toutes les parties de la salle, tant ce seul cri avait en une seconde absous la jeune femme, et corrigé son imprudence par l’évidence de son honnêteté.

Mais ce n’était pas Mlle Mars sur qui retombait dans cette scène la plus grande part de responsabilité, c’était le duc, c’était Armand. Armand n’avait ni le feu de Firmin, ni le charme de Bressant, ni l’ardeur communicative de Delaunay, mais son élégance de manières et de mise, sa jolie taille, sa figure aimable, sa façon de parler à une femme, le rendaient éminemment propre à ces rôles d’hommes du monde qui se font pardonner tout ce qu’ils se permettent. Armand sut envelopper cette déclaration nocturne et périlleuse de tant de respect, de tant de goût, de tant de mesure, que quand Hortense, effrayée au bruit de l’arrivée de son mari, fait cacher le duc dans un cabinet, cette sortie, si difficile pour l’acteur, fut accompagnée de vifs applaudissements, et Casimir Delavigne, qui attendait, anxieux, dans la coulisse, sauta au cou d’Armand, en s’écriant : « Vous m’avez sauvé ! »

Il allait trop vite. Le danger n’était pas passé, il commençait. A peine le duc caché, Danville entre.