Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/351

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petit ramoneur à la recherche du premier : également pris et confisqué. Troisième petit ramoneur, troisième suppression d’enfant. Grande rumeur dans le quartier ; on va chercher le commissaire de police. Il n’hésite pas. « L’atelier de M. Gudin n’est-il pas dans la maison voisine ? ― Oui. ― C’est cela ! » Il va droit à l’atelier et trouve les trois petits ramoneurs, mangeant des marrons avec les élèves autour du poêle.

Eugène Sue était à la tête de toutes ces mystifications. A son entrée dans l’atelier, on avait voulu le mettre au régime de patito, mais son sang-froid, sa verve de sarcasme et de drôlerie leur montrèrent bien qu’il était leur maître à tous.

Voici un de ses hauts faits :

Théodore Gudin était le peintre à la mode. Une baronne lui écrit pour lui demander un tableau destiné à décorer un panneau de son salon, et le prie de venir voir ce salon.

« Je ne sais pourquoi, lui dit Eugène Sue, mais je me défie de ta baronne. Cette façon de t’attirer chez elle !… Laisse-moi y aller sous ton nom ; je flaire là quelque charge amusante à faire. »

Gudin y consentit. Eugène Sue se présente en son lieu et place, et, après quelque temps, l’élève avait, comme dit le marquis de Turcaret, si bien poussé ses petites conquêtes, que la dame lui dit un jour : « Je voudrais bien visiter ton atelier.

— Très volontiers ; demain à midi. »

A midi précis, coup de sonnette ; on ouvre. La dame entre dans l’atelier, vide de tout élève, et va droit à un