Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/412

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un effet ! pas un seul ! et pour résultat, douze boules noires. Refusé à l’unanimité.

J’étais retourné à la campagne, où je digérais tant bien que mal ma disgrâce, quand je reçois ces trois lignes de Goubaux.

« Le comité du Théâtre-Français n’y entend rien. J’ai lu notre pièce à Étienne Arago, le spirituel directeur du Vaudeville. Il la trouve très amusante. Il va la monter immédiatement ; il nous donne l’élite de sa troupe : Bardou, l’excellent Bardou, pour l’oncle ; la jolie Mme Thénard pour la veuve, et pour l’un des amoureux, un jeune homme sur lequel il fonde de grandes espérances. Il s’appelle Brindeau, on dit qu’il a une jolie figure et une jolie voix ; je vais lui faire un rondeau pour son entrée, cela enlèvera le début. Acceptez-vous ? »

Si j’acceptais ! Trois semaines après, je revenais de la campagne pour assister à une des dernières répétitions.

Le théâtre du Vaudeville était alors rue de Chartres. La répétition commence, le chef de claque était assis près de moi. La pièce finie : « Ce n’est pas bien fort, me dit-il, mais il y a de jolies petites choses à faire. » Je sors, et je me retrouve sur la place du Palais-Royal avec Goubaux et un de ses amis qu’il avait amené. Nous nous regardons entre les yeux.

« Qu’en pensez-vous ?

— Ce que j’en pense, s’écrie Goubaux, c’est que c’est détestable !

— Et moi aussi, répondis-je.

— Et moi donc, ajoute l’ami, je crois que j’aurais sifflé, si j’avais eu une clé. Il ne faut pas laisser jouer cela.