Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/418

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cette attitude jaillissait un tel flot de bonté, de gaieté, de cordialité, de sincérité, de sympathie, qu’on ne pouvait voir cette bonne figure sans avoir l’envie de l’embrasser.

Voici l’homme, voici sa vie.


I

Certains écrivains valent moins que ce qu’ils produisent. Comment, dira-t-on, les fruits d’un arbre peuvent-ils être meilleurs que l’arbre lui-même ? Je ne sais, mais cela est, sinon pour les arbres, du moins pour quelques écrivains. Des circonstances favorables, le choix, quelquefois dû au hasard, d’un heureux sujet de travail, une bonne position dans le monde, une certaine force de caractère qui concentre toutes les facultés sur un point, ou même une certaine étroitesse d’intelligence qui les enferme dans un ordre d’idées restreint, tout cela fait que quelques hommes placent leur esprit à cent pour cent. Ils mettent dans leurs livres tout ce qu’ils ont de bon, ils n’y mettent pas ce qu’ils ont d’inférieur ; l’heureuse chance fait le reste, et l’on est tout surpris parfois de rencontrer des gens presque célèbres qui sont des gens presque médiocres.

Tout autre est une classe d’esprits qui, semblables à certains soleils dont le disque se lève sans couronne de rayons, ont, eux aussi, plus de foyer que de rayonnement.