Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/424

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quelques lignes très simples… Mais laissons-le parler lui-même :


« Monsieur,

J’ai vingt-cinq ans, trois enfants, de l’honneur, peut-être quelque talent, on me l’a dit. On a spéculé sur un nom sans tache pour élever un établissement. Douze mille francs de dette pèsent sur moi ; dans trois jours le déshonneur m’attend.

Quand les hommes vous repoussent, on s’adresse à la Providence. J’ai recours à vous. M. Delanneau, qui me traite en fils adoptif, vous dira qu’un bienfait sollicité avec tant de franchise peut être accordé avec confiance. C’est l’honneur pauvre qui s’adresse à l’honneur riche.

Mon sort est entre vos mains ; j’attends votre réponse dans votre antichambre.

Ma famille attend plus loin. Ai-je trop présumé ?

J’ai l’honneur d’être, etc.


M. Laffitte le fait entrer, l’examine un moment. La lettre l’avait touché, ce regard d’honnête homme le touche plus encore, et, cinq minutes après, le pauvre chef d’institution était sauvé.

Je dis qu’il était sauvé, je veux dire qu’il ne mourut pas, car tous les efforts de sa vie ne furent employés qu’à l’empêcher de mourir. Le lendemain, il fallut recommencer la lutte, ne fût-ce que pour payer M. Laffitte. Le lendemain, les autres dettes, devenues criardes à leur tour, le harcelèrent comme les premières ; le lendemain, enfin, retomba sur sa tête le fardeau de la pension Saint-Victor à faire aller, fardeau terrible, surtout pour lui. Goubaux avait toutes les grandes parties de