Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/471

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l’image de l’ancienne société française ? J’essaierai de marquer quelques-unes de ces différences, en parlant des quatre artistes dont les noms sont inscrits en tête de ce chapitre.


I

Commençons par Firmin. Je ne puis mieux le peindre qu’en le comparant à notre cher et regretté Delaunay. Ils avaient tous deux, plusieurs qualités pareilles ; d’abord le regard. Il ne faut pas confondre au théâtre, le regard et les yeux. On peut avoir beaucoup de regard avec de petits yeux ; on peut avoir de très grands yeux, et n’avoir point ce trait de lumière qui, jaillissant de la prunelle, se répand en une seconde dans toute une salle, et l’éclaire. Tout deux avaient des dents éblouissantes qui semblaient étinceler comme les yeux, et sourire comme les lèvres. Plus petit que Delaunay, moins bien pris dans sa taille, moins élégant dans sa démarche, Firmin, la tête un peu penchée en avant, se dandinant sur ses jambes, frappant nerveusement ses deux mains l’une contre l’autre, n’avais pas la grâce charmante de Perdican, mais quel feu ! quelle flamme ! Quels accents électriques ! Il faut remonter, pour se le représenter, aux grands ténors, à Rubini, à David, qui ne touchaient pas seulement votre âme, mais qui faisaient