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MADEMOISELLE MARS


Était-elle jolie ? Tel est le premier mot qu’on vous adresse toujours quand vous parlez d’une artiste d’autrefois. Eh bien, oui, elle était jolie ; elle était même charmante ! Si charmante, que Scribe, dans Valérie, osa lui mettre dans la bouche (elle avait alors près de quarante-cinq ans) cette phrase : Suis-je jolie, moi ? et que le public lui répondit par des bravos universels. Ces bravos, j’en conviens tenaient aussi à l’époque ; on n’oserait plus risquer aujourd’hui cet effet-là, même avec une jeune actrice ; il y fallait le parterre galant de 1824. J’ajouterai en outre qu’il y fallait l’optique de la scène. Il y a des beautés de théâtre. Mlle Mars, à la ville, malgré ses yeux admirables et ses dents ravissantes, ne pouvait pas passer pour une jolie famme. Son teint était un peu brouillé, son nez un peu fort, sa tête un peu grande, sa taille un peu courte. Mais le théâtre est un magicien qui métamorphose tout. Si les traits trop délicats s’y effacent, les traits un peu marqués s’y atténuent ; le théâtre grandit, le théâtre amincit, le théâtre harmonise, et Mlle Mars, grâce au prestige de l’optique,