Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/557

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Il ne se regardait que comme un ministre qui contresigne les ordres de son maître.

Son portrait serait incomplet si je n’y ajoutais celui de sa femme. Elle ne le quittait jamais. Dans son cabinet de travail, elle était assise auprès de son bureau, à une petite table où elle travaillait comme lui, et pour lui. Elle assistait à toutes les consultations, quelque fût le sexe du malade, et l’objet de l’entretien. Elle écrivait toutes les indications de la maladie, donnait son avis en allemand à Hahnemann, et préparait les médicaments. Si, par exception, il faisait quelques visites au dehors, elle l’y accompagnait toujours. Le fait singulier, c’est que Hahnemann était le troisième vieillard illustre auquel elle s’était attachée de la sorte.

Elle avait commencé par la peinture, puis passé à la littérature et fini par la médecine. A vingt-cinq ou trente ans, Mlle d’Hervilly (c’était son nom), jolie, grande, élégante avec son frais visage tout encadré de légères boucles blondes, et ses petits yeux bleus, aussi perçants que des yeux noirs, était devenue la compagne d’un célèbre élève de David, M. L. En épousant le peintre, elle avait épousé sa peinture et aurait pu signer plus d’une de ses toiles, comme elle signa plus tard les ordonnances de Hahnemann. M. L. mort, elle se tourna vers la poésie, représentée par un poète qui avait soixante-dix ans ! car plus elle allait, plus elle les aimait vieux. C’était M. A. Elle se jeta alors dans les petits vers avec la même ardeur qu’elle s’était jetée dans les grands tableaux d’histoire, et A. étant mort à son tour, les septuagénaires ne lui suffirent