Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/582

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admirable personnage pour Talma ! » Malheureusement. Talma était mort ; mais heureusement Meyerbeer vivait, et Scribe composa le Prophète.

Qu’était l’Opéra-Comique avant lui ? Un théâtre charmant et aimable. Mais le Domino noir, la Dame Blanche, la Sirène, la Neige, Fra Diavolo, l’Ambassadrice, la Part du Diable ont ouvert une route nouvelle à la musique, en apportant une nouvelle forme à la comédie lyrique. Scribe a sa part dans la gloire d’Auber, puisque Auber n’aurait pas été tout Auber sans Scribe. « Savez-vous, me disait un jour l’auteur de la Muette, à qui je dois la phrase : « Amour sacré de la patrie »  ? A Scribe. Dans une promenade, il me marqua si vivement le rythme des vers, que la mélodie vint se placer immédiatement sur les paroles. Il m’avait parlé mon duo. » Ce n’est donc pas un brevet d’invention que Scribe mérite à l’Opéra-Comique ; c’est deux.

Avant lui, un vaudeville reposait sur une fable légère, agrémentée de couplets. Il l’a élevé au rang de comédie de genre. Le Théâtre de Madame est devenu la succursale du Théâtre-Français.

Au Théâtre-Français enfin, sans parler de ce qu’apportèrent de nouveauté sur la scène de Molière, la Camaraderie, la Calomnie, le Verre d’eau, qu’est-ce que Bertrand et Raton, sinon la seule belle comédie politique que compte le répertoire ?

Voilà ce que fut Scribe comme inventeur. Quand à son imagination elle était inépuisable en ressource, en trouvailles d’incidents imprévus, en façons de se tirer de tout. En donnerai-je un exemple ? On montait à l’Opéra