Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/612

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lilliputiens, en en tirant le sujet de deux de ses plus jolies comédies, les Malheurs d’un amant heureux et Une Chaîne. Enfin, vers l’âge de cinquante ans, il rentra en possession de lui-même par un coup vaillant, il se maria ! Ce dénouement peut compter parmi les plus jolis de son théâtre. D’abord, en habile auteur dramatique, il le prépara longtemps d’avance. Au début de cette double liaison, il avait juré mille fois à ses deux maîtresses, que si elles avaient été libres, il les aurait épousées. Un peu plus tard, il leur jura que si elles devenaient veuves, il les épouserait. Les années marchant, il leur dit : je vous attendrai jusqu’à cinquante ans… Mais, il est bien entendu qu’à cinquante, si vous n’êtes pas libres, je le suis ! » Dieu sait quels vœux ardents il adressa au ciel, pour la continuation de la bonne santé de ces deux maris ! Aucun de ses meilleurs amis ne lui inspira autant de sollicitude. Le ciel l’exauça. Ils tinrent bon tous les deux ! Le jour dit, il se maria, et trois mois après son mariage, ils moururent tous deux ! « Bon Dieu ! s’écrit-t-il, voyez-vous ma position si ce double malheur était arrivé trois mois plus tôt. Comment m’en serais-je tiré ? Je frémis en y pensant. Après tout, ajoutait-il en riant, je n’aurais pas pu les épouser toutes les deux. »