Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/656

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temps d’entrer, de lui dire bonjour, de porter les yeux sur la page commencée, de respirer l’air de ce cabinet, de dire à Scribe : « Cela va-t-il bien ?… », se s’informer s’il n’y avait pas quelque affaire de directeur de théâtre, de journaux, où Mahérault pût l’aider ; puis le voilà parti. Assez souvent même, Scribe ne se dérangeait pas de son travail, ne se levait pas de son bureau, et les yeux toujours baissés sur son papier, tout en écrivant, il se contentait de lui dire : « Ah ! c’est toi, bonjour… Ta femme va bien ? » Puis il continuait sa scène. Parfois pourtant : « Tu arrives à propos, disait-il… tu sais bien la situation qui m’embarrassait tant hier…, je crois que je la tiens ! Écoute !… » La lecture finie : « Eh bien, que dis-tu de cela ? C’est bon, n’est-ce pas ? » Si Mahérault répondait : « Pas encore. Je ne suis content qu’à demi, et voici pourquoi. ― Ah ! ah ! répliquait Scribe avec beaucoup de calme, eh bien ! va-t’en. Je vais examiner qui a raison, toi ou moi, et je te lirai ce soir ce que j’aurai fait. »

D’où venaient donc les titres de Mahérault à une telle confiance ?

De son affection sans doute, mais surtout de son éducation, c’est-à-dire de son père.

Si la Comédie-Française veut payer une dette de reconnaissance, qu’elle mette le buste de M. Mahérault père, dans son foyer, à une place d’honneur, car si le Théâtre-Français existe aujourd’hui, c’est à M. Mahérault père qu’il le doit.

93 avait supprimé le Théâtre-Français, dans une circonstance qui peint l’époque.