Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/700

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mère, que, tout en le blâmant, elle ne s’opposa pas directement à son dessein ; quelque chose lui disait tout bas, en dépit de ses répugnances, qu’un telle âme avait le droit de chercher sa route en dehors des voies ordinaires. Qui sait même si, dans les mystérieuses profondeurs de l’amour maternel, elle n’éprouva pas une sorte de joie orgueilleuse à voir son fils si imprudemment généreux ?


II

Reynaud débuta dans sa nouvelle carrière par le saint-simonisme ; son passage y fut rapide et éclatant. L’école saint-simonienne eut deux périodes très différentes. Rien ne ressemble moins à ses débuts que sa fin. Les folies de Ménilmontant, les costumes bizarres, les dénominations ridicules, les théories immorales aboutissant à une sorte de papauté d’Épicure, n’ont rien à faire avec les idées graves, humaines, qui servirent de drapeau à l’école naissante. Sa doctrine se résumait alors en un mot : Perfectibilité ; son but, en une phrase : Amélioration morale, intellectuelle et physique des classes pauvres et laborieuses. Reynaud fut le défenseur ardent du premier programme, et l’ennemi terrible du second. Quand les doctrines généreuses se transformèrent en théories subversives, Reynaud les dénonça à l’indignation