Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/703

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Et comme son ami le regardais avec surprise. « Oh ! je l’ai habitué à obéir, reprit-il gaiement. Dans mes longs voyages de jeune homme, je lui disais le matin en partant : « Tu n’auras à déjeuner que quand tu auras fait six lieues ! » Les six lieues faites, il réclamait. « Encore deux lieues ! » lui répondais-je ; et, comme il grondait parfois : « Allons, lui disais-je marche et tais-toi ! » Et il se taisait. Eh bien, il se taira encore aujourd’hui. » Et là-dessus il rentra chez lui, et dîna de son morceau de pain.


III

Je ne m’arrêterai pas sur la vie de Reynaud comme écrivain et comme homme politique. Ses ouvrages et ses actes sont là pour témoigner de lui. J’y signalerai seulement deux faits caractéristiques.

Vers 1876, quelques années après sa mort, celle qui porte si noblement son nom, voulut lui élever un monument digne de lui. Elle s’adressa à un de nos plus illustres sculpteurs, M. Chapu, et lui proposa comme sujet une figure de l’Immortalité. Chapu se met à l’œuvre ; il esquisse ou ébauche plusieurs projets. Madame Reynaud va les voir, et me dit un matin : « Je ne suis pas complètement satisfaite de ces essais ; je voudrais en avoir votre avis. » J’arrive chez Chapu, je le