Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/71

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C’est au milieu de cette vie d’excès, de plaisirs et de distractions de toutes sortes qu’il produisit une masse d’ouvrages qui aurait suffi au labeur de plusieurs hommes.

Il s’attaque à tout et met sa marque sur tout : poèmes, tragédies, sujets antiques, sujets modernes, sujets d’imagination, sujets philosophiques, il n’y a pas un coin dans le domaine de l’art où il ne s’aventure et dont il ne rapporte quelque rameau d’or. Seul de son temps, il étudie à fond Shakespeare, non comme Ducis, pour en extraire l’élément pathétique et romanesque, mais pour y chercher la peinture profonde des personnages historiques ; seul de son temps, il entre en commerce intime et direct avec le génie de Dante, et lui dédie son étrange poème de la Panhypocrisiade ; seul de son temps, ou du moins seul avec André Chénier, il cherche la poésie dans la science et publie l’Atlantiade, où la physique, l’astronomie, la géologie, l’histoire naturelle lui inspirent six mille vers souvent pleins de pensées fortes et d’images éclatantes ; seul de son temps il conçoit l’idée grandiose de créer un théâtre national, de représenter dramatiquement l’histoire de France par la peinture successive des plus grandes époques et des plus grands hommes de nos annales. Clovis, Frédégonde et Brunehaut figurent les temps barbares ; Charlemagne, la France impériale ; Philippe Auguste, la féodalité ; Charles VI, la guerre de Cent Ans ; les États de Blois, la Ligue ; la journée des Dupes, la Fronde. La destinée de ses ouvrages n’est pas moins singulière que ses ouvrages mêmes. Sur