Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/738

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l’Académie un spectateur le voyant arriver, le visage enfoui dans son collet de fourrures, dit à son voisin : « Est-ce que c’est celui qu’on remplace ? » Lamartine, en apprenant sa mort, écrivit cette jolie phrase : « Hier nous avons perdu M. Brifaut, qui a eu si peu de chose à faire pour passer à l’état d’ombre. » En tout cas, c’était l’ombre d’un bien aimable homme, d’un bien galant homme, qui m’a fort soutenu dans ma candidature, et à qui je conserve une véritable gratitude.


III

Il y a des hommes dont le nom semble le portrait ; tel fut Baour-Lormian. Remarquez-vous qu’on ne trouve que des voyelles dans ce nom ? Et quelles voyelles ! Deux a, deux o, sans compter deux diphtongues, dont la première vous oblige à enfler les joues pour la prononcer, le tout agrémenté de deux r, qui vibrent à travers ces syllabes sonores, comme un coup de clairon ! N’est-ce pas bien l’image de ce poète, qui inaugura la conquête de Paris par Toulouse. Baour-Lormian, en effet, est le premier flot de ce grand débordement méridional… (je prends débordement dans le bon sens, le sens du Nil), qui depuis une trentaine d’années a envahi la vie parisienne, la littérature parisienne, la presse parisienne, et y a jeté tant de verve, tant d’éclat, tant d’esprit et tant de fanfaronnade. Grand, la bouche