Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/86

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Athéniens du jour, qu’il y a de la politique à jeter les Miltiades en prison… N’est-ce pas ? Hein ! Vous en devenez rouge. ― Et vous, vous en devenez pâle ; c’est notre couleur à chacun, quand une chose nous émeut ; et celle-ci m’étonne, je l’avoue. ― Cette pensée qui vous trouble, ajouta-t-il, n’est pas la mienne ; mais on l’interprète ainsi, puisque M*** me le déclarait hier même. ― Ah ! repris-je impétueusement, je ne l’accuse que d’une erreur sur mon intention, ne voulant pas le soupçonner d’une méchanceté basse. «  Le premier consul me prit la main affectueusement et changea de discours en ressaisissant le livre : « Laissons les propos des beaux parleurs… Votre éloge de Desaix m’a touché. J’ai un peu mâchonné vos vers en les lisant moi-même pour les examiner et les étudier : maintenant lisez les-moi à votre tour pour m’en faire mieux jouir. » Il me remit l’ouvrage en main, je lui obéis ; et dès que la lecture fut achevée, il se leva en me recommandant de venir bientôt le revoir.

Tel fut, ajoute Lemercier, l’un de mes entretiens avec l’homme historique qui, en renversant toutes nos libertés, me sépara de l’homme qui les avait glorieusement défendues ; car c’est Napoléon seul qui m’a brouillé avec Bonaparte.

L’inauguration de l’empire lui porta en effet un coup mortel. C’était son rêve qui s’écroulait. C’était son héros qui tombait ! Appelé près de lui, il osa lui dire : « Vous vous amusez à refaire le lit des Bourbons, vous n’y coucherez pas », et, lors de la fondation de la Légion d’honneur, une des premières croix ayant été envoyée