Page:Leibniz - Die philosophischen Schriften hg. Gerhardt Band 3.djvu/368

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

356

Leibniz an Lady Masham

continuellement par le même miracle, puis qu’elle n’y a point de racine, à moins que Dieu y adjoute une nouvelle nature. Mais si l’on disoit que Dieu donne à la matière cette nouvelle nature ou la force de penser radi- cale, qui depuis s’y entretienne d’elle même, ce seroit justement l’ame pensante qu’il luy auroit donnée, ou bien ce qui n’en differeroit que de nom ; et cette force radicale n’estant pas proprement une modification de la matière (car les modifications sont explicables par les natures qu’elles modifient, et cette force ne l’est pas), elle seroit indépendante de la matière.

Apres cela, Madame, je viens à des difficultés importantes qui Vous sont venues dans l’Esprit. Vous remarqués donc (9) qu’il semble que les organes ne servent de rien, si l’ame suffit. Je reponds que si l’ame de César (par exemple) devoit estre seule dans la nature, L’auteur des choses auroit pû se passer de luy donner des organes. Mais ce même auteur a voulu faire encor une infinité d’autres estres, qui sont enveloppés dans les organes les uns des autres. Nostre corps est un espece de monde plein d’une infinité de créatures qui meritoient aussi d’exister, et si nostre corps n’estoit pas organisé, nostre Microcosme ou petit monde n’auroit pas toute la perfection qu’il doit avoir, et le grand Monde même ne seroit pas si riche qu’il est.

(10) C’est aussi sur ce fondement que j’ay dit non pas absolument, que l’organisme est essentiel à la matière, mais à la matière ar- rangée par une sagesse souveraine. Et c’est pour cela aussi que je definis l’Organisme, ou la Machine naturelle, que c’est une machine dont chaque partie est machine, et par conséquent que la subtilité de son artifice va à l’infini, rien n’estant assez petit pour estre négligé, au lieu que les parties de nos machines artificielles ne sont point des machines. C’est là la différence essentielle de la Nature et de l’Art, que nos mo- dernes n’avoient pas assez considérée.

(11) Il vous semble encor, Madame, que la Force ne sauroit estre l’Essence d’aucune substance. C’est sans doute par ce que vous parlés des forces changeables, telles qu’on entend communément. Au lieu que par Force primitive j’entends le Principe d’Action, dont les forces changeables ne sont que les modifications.

(12) L’Idée positive de cette substance simple ou Force primitive est toute trouvée, puisqu’elle doit tousjours avoir en elle un progrès réglé de perceptions, suivant l’Analogie qu’elle doit avoir avec nostre ame.