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Remond à Leibniz

 

IV.
Leibniz à Remond.

La continuation de vos Lettres est un accroissement de vos bontés pour moy. M. l’Abbé Fraguier m’a fait bien de l’honneur de me placer dans des vers Latins, où il vous donne des louanges si méritées, et c’est fort obligeant, que vous m’y avés voulu souffrir. Voicy une matière de réponse en vers latins aussi, ma veine toute tarie par le temps ayant repris quelque vigueur à la lecture d’une aussi belle piece que la sienne[1]. C’est tout de bon que je crois qu’un aussi excellent homme, également Poète et Philosophe, et sur tout Philosophe Platonicien, pourroit nous donner un poème sur les principes des choses, qui passerait infiniment ce que Lucrèce, et d’autres poètes philosophes nous ont donné, n’ayant point eu des sentimens assés elevés, au lieu que ceux de Platon sont plus sublimes, et ne laissent point d’avoir du solide ; de sorte que de la maniera que je prends les choses, encor ses hyperboles se vérifient bien souvent.

J’ay appris de M. le Comte de Sinzendorff, Ministre d’Estat et Ambassadeur de l’Empereur à Utrecht, que M. le Cardinal Polignac a fait un beau poème en vers latins héroïques de Natura Rerum, contre Lucrèce. Il sera apparemment fondé sur les principes de M. des Cartes, alliés peutetre avec ceux de M. Gassendi en partie, et embellis par le R. P. Malebranche et autres modernes. Et en effect, il y a aussi bien du bon là dedans, et j’ay coutume de dire que la Philosophie de M. des Cartes est l’antichambre de la véritable, où nous n’arriverons que peu à peu.

Si j’ay réussi à animer des excellens hommes à cultiver le Calcul des Infinitesimales, c’est que j’ay pu donner quelques échantillons considérables de son usage. M. Hugens en ayant sçu quelque chose par mes lettres, le méprisa, et ne crût point qu’il y avoit là dedans quelque mystère, jusqu’à ce qu’il en vit des usages surprenons, qui le portèrent à l’étudier un peu avant sa mort : luy, à qui un merite tout à fait eminent donnoit quasi droit de mépriser tout ce qu’il ne savoit pas. J’ay parlé de ma Specieuse Generale à M. le Marquis de l’Hôpital et à d’autres, mais ils n’y ont pas donné plus d’attention que si je leur avois conté un songe. Il fau-

  1. *) Siche die Beilage.