Page:Leibniz - Die philosophischen Schriften hg. Gerhardt Band 7.djvu/196

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
182
Discours touchant la methode de la certitude et l’art d’inventer.

à soy même dans une isle deserte, ou faire faire par des peuples barbares, si on s’y trouvoit transporté par un coup de vent, tout ce qui nous peut fournir d’utile et de commode l’abondance d’une grande ville toute pleine des meilleurs ouvriers et des plus habiles gens de toutes sortes de conditions ; ou bien il faut s’imaginer qu’un art fut perdu et qu’il le faudroit retrouver, à quoy souvent toutes nos Bibliotheques ne pourroient suppléer, car bien que je ne disconvienne pas qu’il y a en revanche beaucoup de belles choses dans les livres, que les gens de profession ignorent encor eux mêmes, et dont ils pourroient profiter, il est constant neantmoins que les plus considerables observations et tours d’adresse en toute sorte de mestiers et de professions sont encore non-ecrits. Ce qu’on trouve par experience lorsqu’en passant de la theorie à la pratcique, on veut executer quelque chose. Ce n’est pas que cette practique ne se puisse écrire aussi, puisqu’elle n’est dans le fonds qu’une autre theorie, plus composée et plus particuliere que la commune ; mais les ouvriers pour la pluspart outre qu’ils ne sont pas d’humeur à enseigner autres que leur apprentifs, ne sont pas des gens à s’expliquer intelligiblement par écrit, et nos auteurs sautent par dessus ces particularités lesquelles bien qu’essentielles ne passent chez eux que pour des minuties, dont ils ne daignent pas de s’informer, outre la peine qu’il y a de les bien décrire.

Mais mon dessein n’est pas à present d’expliquer en detail tout ce qu’il faudroit pour faire l’Inventaire General de toutes les connoissances qui se trouvent déja parmy les hommes. Ce projet, quelque important qu’il soit pour nostre bonheur, demande trop de concourans, pour qu’on le puisse esperer bien tost sans quelque ordre superieur : outre qu’il va principalement aux observations et verités historiques ou faits de l’histoire sacrée, civile ou naturelle, car ce sont les faits qui ont le plus de besoins des collections, autorités et inventaires, et la meilleure Methode qu’il y a, c’est d’y faire le plus de comparaisons qu’on peut et des indices les plus exacts, les plus particularisés et le plus diversifiés qu’il est possible. Ce n’est pas cette Methode de bien enregistrer les faits dont je me sois proposé de parler icy principalement, mais plutost la Methode de diriger la raison pour profiter tant des faits donnés par les sens ou rapport d’autruy que de la lumiere naturelle, à fin de trouver ou establir des Verités importantes qui ne sont pas encor asseés connues ou asseurées, ou au moins qui ne sont pas mises en oeuvre comme il faut pour éclairer la raison.