suivant l’ordre de la plus grande perfection ; autrement le tout ne le seroit pas.
C’est pour cela que j’ay coustume de dire qu’il y a, pour parier ainsi, deux Regnes dans la nature corporelle même qui se penetrent sans se confondre et sans s’empecher : le regne de la puissance, suivant lequel tout se peut expliquer mecaniquement par les causes efficientes, lorsque nous en penetrons assez l’interieur ; et aussi le Regne de la sagesse, suivant lequel tout se peut expliquer architectoniquement, pour ainsi dire, par les causes finales, lorsque nous en connoissons assez les usages. Et c’est ainsi qu’on peut non seulement dire avec Lucrece, que les animaux voyent parce qu’ils ont des yeux ; mais aussi que les yeux leur ont esté donnés pour voir, quoyque je sçache que plusieurs n’admettent que le Premier pour mieux faire les esprits forts. Cependant ceux qui entrent dans le detail des machines naturelles, ont besoin d’une grande prevention pour resister aux attraits de leur beauté, et Galien même ayant connu quelque chose de l’usage des parties des animaux, en fut tellement ravi d’admiration, qu’il crût que de les expliquer, estoit autant que de chanter des hymnes à l’honneur de la divinite. Et j’ay souvent souhaite, qu’un habile Medecin entreprist de faire un ouvrage expres, dont le titre ou du moins le but pourroit estre Hymnus Galeni.
De plus nos meditations nous fournissent quelques fois des considerations, qui font voir l’usage des Finales, non seulement pour augmenter l’admiration de l’Auteur supreme, mais encor pour faire des decouvertes dans son ouvrage. Et je le monstray un jour par un echantillon, lorsque je proposay le principe general d’optique, que le rayon se conduit d’un point à l’autre par la voye qui se trouve la plus aisee, à l’egard des superficies planes, qui doivent servir de regle aux autres. Car il faut considerer que si on pretendoit l’employer comme une cause efficiente, et comme si tous les rayons possibles balancés entre eux le plus aisé l’emportoit, il faudroit considerer toute la surface telle qu’elle est, sans considerer le plan qui la touche, et alors la chose ne reussiroit pas toujours comme on dira tantost. Mais bien loin de dissimuler que ce principe a quelque chose de la cause finale, comme on avoit objecto autres fois à Monsieur Fermat, qui l’avoit employé pour la Dioptrique, je l’en trouvois plus beau et plus considerable pour un usage plus sublime que celuy du mecanisme. Et un habile