Page:Leibniz - La Monadologie, éd. Bertrand, 1886.djvu/58

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C’est que nous voyons, que les animaux ayant la perception de quelque chose qui les frappe et dont ils ont eu perception semblable, auparavant, s’attendent par la représentation de leur mémoire à ce qui y a été joint dans cette perception précédente, et sont portés à des sentiments semblables à ceux qu’ils avaient pris alors. Par exemple : quand on montre le bâton aux chiens, ils se souviennent de la douleur qu’il leur a causée, et crient et fuient (Prélimin., §65).

27[1]. Et l’imagination forte qui les frappe et émeut, vient ou de la grandeur ou de la multitude des perceptions précédentes. Car souvent une impression forte fait tout d’un coup l’effet d’une longue habitude ou de beaucoup de perceptions médiocres réitérées.

28[2]. Les hommes agissent comme les bêtes, en tant que les consécutions de leurs perceptions ne se font que par le principe de la mémoire ; ressemblant aux Médecins


    aux règles de l’art de raisonner. Si par la Raison on entendait en général la faculté de raisonner bien ou mal, j’avoue qu’elle nous pourrait tromper et nous trompe en effet, et que les apparences de notre entendement sont aussi souvent trompeuses que celles des sens ; mais il s’agit ici de l’enchaînement des vérités et des objections en bonne forme, et dans ce sens, il est impossible que la raison nous trompe. »

  1. Tout d’un coup l’effet d’une longue habitude. — Il ne faut donc pas, comme on le fait souvent, ramener l’habitude à la répétition. La répétition n’est que son apparence extérieure la plus commune : l’habitude est une disposition intérieure qui existe dès le premier acte et ne fait que s’accroître par l’effet des actes successifs. Il en est exactement de même de la mémoire et de l’association, qui ne sont que des habitudes intellectuelles.
  2. Les médecins empiriques. — Il y avait dans l’antiquité trois sectes médicales, celle des empiriques, celle des dogmatiques et celle des méthodistes. Celse les caractérise à peu près de cette manière : les empiriques ne reconnaissent que des causes visibles, c’est-à-dire des antécédents des maladies ; ils déclarent que la nature est en elle-même incompréhensible, que, par conséquent, la recherche des causes cachées et des actions naturelles est absolument stérile, et ils en donnent pour preuve les éternelles disputes des philosophes entre eux, des médecins entre eux et des philosophes avec les médecins. — Les dogmatiques, au contraire, font profession de remonter jusqu’aux causes cachées des maladies, sans négliger les causes visibles, et ils appellent causes cachées les éléments, constitutifs de notre corps. Ils veulent aussi, conséquemment, que le médecin connaisse l’anatomie et le jeu des actions naturelles, c’est-à-dire la physiologie. Ils sont loin de nier l’utilité, la nécessité de l’expérience, mais ils soutiennent que l’expérience est impossible sans la raison qui en est comme le flambeau. — Quant aux méthodistes, leur système consiste à laisser de côté et les causes profondes et cachées et les causes visibles et évidentes pour s’en tenir à l’étude des communautés des maladies. Par exemple, il y a trois genres de maladie, le resserré, le relâché et le mixte : sachez dans quel genre vous devez classer telle maladie que vous avez à traiter et vous saurez par là même quels sont les remèdes appropriés sans vous perdre dans le raisonnement et sans vous enchaîner aux expériences. (Voy. Celse, De Re Medicina., liv. Ier, passion.)