Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il est vrai qu’on la savait déjà, et que cette inégalité a ses règles. Quant à la révolution annuelle, qui récompense les inégalités des jours solaires, elle pourrait changer dans la suite des temps. La révolution de la terre à l’entour de son axe, qu’on attribue vulgairement au premier mobile, est notre meilleure mesure jusqu’ici, et les horloges et montres nous servent pour la partager. Cependant cette même révolution journalière de la terre peut aussi changer dans la suite des temps : et si quelque pyramide pouvait durer assez, ou si on en refaisait des nouvelles, on pourrait s’en apercevoir en gardant là-dessus la longitude des pendules dont un nombre connu de battements arrive maintenant pendant cette révolution : on connaîtrait aussi en quelque façon le changement, en comparant cette révolution avec d’autres, comme avec celles des lunes de Jupiter, car il n’y a pas d’apparence que s’il y a du changement dans les unes et dans les autres, il serait toujours proportionnel.

Philalèthe. Notre mesure du temps serait plus juste si l’on pouvait garder un jour passé pour le comparer avec les jours à venir, comme on garde les mesures des espaces.

Théophile. Mais au lieu de cela nous sommes réduits à garder et observer les corps qui font leurs mouvements dans un temps égal à peu près. Aussi ne pouvons-nous point dire qu’une mesure de l’espace, comme par exemple une aune qu’on garde en bois ou en métal, demeure parfaitement la même.

§ 22. Philalèthe. Or puisque tous les hommes mesurent visiblement le temps par le mouvement des corps célestes, il est bien étrange qu’on ne laisse pas de définir le temps la mesure du mouvement.

Théophile. Je viens de dire (§ 16) comment cela se doit entendre. Il est vrai qu’Aristote dit que le temps est le nombre et non pas la mesure du mouvement. Et en effet on peut dire que la durée se connaît par le nombre des mouvements périodiques égaux dont l’un commence quand l’autre finit, par exemple par tant de révolutions de la terre ou des astres.

§ 24. Philalèthe. Cependant on anticipe sur ces révolutions et dire qu’Abraham naquit l’an 2712 de la période julienne, c’est parler aussi intelligiblement que si l’on comptait du commencement du monde, quoiqu’on suppose que la période julienne a commencé plusieurs centaines d’années avant qu’il y eût des jours, des nuits ou des années désignées par aucune révolution du soleil.

Théophile.