Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/118

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Ce vide qu’on peut concevoir dans le temps marque, comme celui de l’espace, que le temps et l’espace vont aussi bien aux possibles qu’aux existants. Au reste, de toutes les manières chronologiques, celle de compter les années depuis le commencement du monde est la moins convenable, quand ce ne serait qu’à cause de la grande différence qu’il y a entre les 70 interprètes et le texte hébreu, sans toucher à d’autres raisons.

§ 26. Philalèthe. On peut concevoir le commencement du mouvement, quoiqu’on ne puisse point comprendre celui de la durée prise dans toute son étendue. On peut de même donner des bornes au corps, mais on ne le saurait faire à l’égard de l’espace.

Théophile. C’est comme je viens de dire que le temps et l’espace marquent des possibilités au-delà de la supposition des existences. Le temps et l’espace sont de la nature des vérités éternelles qui regardent également le possible et l’existant.

§ 27. Philalèthe. En effet l’idée du temps et celle de l’éternité viennent d’une même source, car nous pouvons ajouter dans notre esprit certaines longueurs de durée les unes aux autres aussi souvent qu’il nous plaît.

Théophile. Mais pour en tirer la notion de l’éternité, il faut concevoir de plus que la même raison subsiste toujours pour aller plus loin. C’est cette considération des raisons qui achève la notion de l’infini ou de l’indéfini dans les progrès possibles. Ainsi les sens seuls ne sauraient suffire à faire former ces notions. Et dans le fond on peut dire que l’idée de l’absolu est antérieure dans la nature des choses à celle des bornes qu’on ajoute, mais nous ne remarquons la première qu’en commençant par ce qui est borné et qui frappe nos sens.



§ 4. Philalèthe. On admet plus aisément une durée infinie du temps qu’une expansion infinie du lieu, parce que nous concevons une durée infinie en Dieu, mais nous n’attribuons l’étendue qu’à la matière, qui est finie, et appelons les espaces au-delà de l’univers, imaginaires. Mais (§ 2) Salomon semble avoir d’autres pensées lorsqu’il dit en parlant de Dieu : les cieux et les cieux des cieux ne peuvent te contenir ; et je crois pour moi que celui-là se fait