des êtres capables de bonheur ou de malheur, est souvent un déplaisir ou un contentement que nous sentons être produit en nous par la considération de leur existence ou du bonheur dont ils jouissent.
Théophile. J’ai donné aussi à peu près cette définition de l’amour lorsque j’ai expliqué les principes de la justice, dans la préface de mon Codex juris gentium diplomaticus, savoir qu’aimer est être porté à prendre du plaisir dans la perfection, bien nu bonheur de l’objet aimé. Et pour cela on ne considère et ne demande point d’autre plaisir propre que celui-là même qu’on trouve dans I, bien ou plaisir de celui qu’on aime ; mais dans ce sens nous n’aimons point proprement ce qui est incapable de plaisir ou de bonheur, ci nous jouissons des choses de cette nature sans les aimer pour cela, si ce n’est par une prosopopée, et comme si nous imaginions qu’elle jouissent elles-mêmes de leur perfection. Ce n’est donc pas proprement de l’amour, lorsqu’on dit qu’on aime un beau tableau par le plaisir qu’on prend à en sentir les perfections. Mais il est permis d’étendre le sens des termes, et l’usage y varie. Les philosophes et théologiens même distinguent deux espèces d’amour, savoir l’amour qu’ils appellent de concupiscence, qui n’est autre chose que le désir ou le sentiment qu’on a pour ce qui nous donne du plaisir, sans que nous nous intéressions s’il en reçoit, et l’amour de bienveillance, qui est le sentiment qu’on a pour celui qui par son plaisir ou bonheur nous en donne. Le premier nous fait avoir en vue notre plaisir et le second celui d’autrui, mais comme faisant ou plutôt constituant le nôtre, car s’il ne rejaillissait pas sur nous en quelque façon, nous ne pourrions pas nous y intéresser, puisqu’il est impossible, quoi qu’on dise, d’être détaché du bien propre. Et voilà comment il faut entendre l’amour désintéressé ou non mercenaire, pour en bien concevoir la noblesse, et pour ne point tomber cependant dans le chimérique.
§ 6. Philalèthe. L’inquiétude (Uneasiness en anglais) qu’un homme ressent en lui-même par l’absence d’une chose qui lui donnerait du plaisir si elle était présente, c’est ce qu’on nomme désir. L’inquiétude est le principal, pour ne pas dire le seul aiguillon qui excite l’industrie et l’activité des hommes ; car quelque bien qu’on propose à l’homme, si l’absence de ce bien n’est suivie d’aucun déplaisir ni d’aucune douleur et que celui qui en est privé puisse être content et à son aise sans le posséder, il ne s’avise pas de le désirer et moins encore de faire des efforts pour en jouir. Il ne sent pour cette espèce