Page:Leibniz - Nouveaux Essais sur l’entendement humain, 1921.djvu/133

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§ 1.Philalète. L’esprit observant comment une chose cesse d’être, et comment une autre qui n’était pas auparavant vient à exister, et concluant qu’il y en aura de pareilles produites par de pareils agents, il vient à considérer dans une chose la possibilité qu’il y a qu’une de ses idées simples soit changée, et dans une autre la possibilité de produire ce changement, et par là l’esprit se forme l’idée de la puissance.

Théophile. Si la puissance répond au latin potentia, elle est opposée à l’acte; et le passage de la puissance à l'acte est le changement. C’est ce qu’Aristote entend par le mot de mouvement, quand il dit que c’est l'acte, ou peut-être l'actuation de ce qui est en puissance[1]. On peut donc dire que la puissance en général est la possibilité du changement: or, le changement ou l’acte de cette possibilité étant action dans un sujet et passion dans un autre, il y aura aussi deux puissances, l’une passive, l’autre active. L’active pourra être appelée faculté, et peut-être que la passive pourrait être appelée capacité ou réceptivité. Il est vrai que la puissance active est prise quelquefois dans un sens plus parfait, lorsque outre la simple faculté il y a de la tendance; et c’est ainsi que je la prends dans mes considérations dynamiques. On pourrait lui affecter particulièrement le mot de force, et la force serait ou entéléchie ou effort ; car l'entéléchie (quoiqu’Aristote la prenne si généralement qu’elle comprend encore toute action et tout effort) me paraît plutôt convenir aux forces agissantes primitives, et celui d’effort aux dérivatives. Il y a même encore une espèce de puissance passive plus particulière et plus chargée de réalité; c’est celle qui est dans la matière, où il n’y a pas seulement la mobilité, qui est la capacité ou réceptivité du mouvement, mais encore la résistance qui comprend l’impénétrabilité et l’inertie. Les entéléchies, c’est-à-dire les tendances primitives ou substantielles, lorsqu’elles sont accompagnées de perception, sont les âmes.

§ 3. Philalète. L’idée de la puissance exprime quelque chose de relatif ; mais quelle idée avons-nous, de quelque sorte qu’elle soit, qui n’enferme quelque relation ? Nos

  1. 1. Aristote, Métaphys., I, XI, 0